Friday, December 30, 2005

La fabrique de batiks


Visite improvisée à l’usine de batiks de Weligama, en pleine campagne.
Une salle de vente, et l’autorisation de visiter les ateliers, de prendre des photos. Des femmes tenant à la main un ustensile proche d’une pipette à huile, empli de cire liquide. Avec une dextérité due à la répétition jour après jour des mêmes gestes, elles tracent sur le coton tendu dans de grands cadres horizontaux, les motifs qui ne recevront pas de couleur.
Des jeunes femmes, presque adolescentes, emplissent de cire les dessins tracés au crayon, à l’aide d’un pinceau usé. Odeur de cire chaude dégageant une vapeur que l’on soupçonne toxique. Peu de lumière, un néon dans le fond, plafond bas, promiscuité, elles sont parquées comme des bêtes entre les murs couleur de cire, les pieds nus dans les débris de matière refroidie et la crasse.
L’atelier de teinture ressemble à un lieu de sorcellerie. Là, des femmes de tous ages, des tongues aux pieds pour les préserver un peu, pataugent dans l’eau coloree, plongent le tissu dans de grands bacs de béton, dans des baignoires recyclées aux couleurs douteuses, les sortent et les replongent pour les rincer du trop plein de teinture.
Les visages s’illuminent de fierté à l’idée d’être sur la photo, elles réclament, posent, pouffent de rire, m’appellent et se tiennent fières, le bâton à la main, toute activité cessante pour rire encore de l’attraction que je provoque. Bien sur elles veulent voir les photos, me demandent de prendre l’adresse au bureau, et d’où je viens et comment je m’appelle. Puis sur ma demande, tour à tour elles se présentent, là Indrani, puis Rénuka, Indrani encore, les autres noms, je les ai oubliés pardonnez moi mesdames.
Sur un grand feu, des marmites de sorcières dans lesquelles mijotent les teintures et la toile, c’est le poste de quelques hommes, rares dans ce lieu sombre tout en contre jour, je n’ai pas de flash et crains de décevoir les femmes si les photos sont ratées.
Pour ne pas faire de jalouses, je ferai un tableau de leurs portraits, qui restera dans la fabrique, je retournerai là-bas prendre encore quelques clichés, et chercher la réponse à une question technique sur les marbrures du batik. Malgré la barrière de la langue, à travers les regards et les sourires, il y eut un moment de magie entre ces femmes et moi, la sorcellerie a opéré, je suis envoutée, j’aimerais passer plus de temps parmi elles - ce doit être un caprice de touriste, sachant que je n’y passerai pas ma vie - elles ont beaucoup à m’apprendre sur le courage.

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